Les mots de l'Ange

Alors qu'une fois de plus je pleurais sur mon triste sort, mon si triste sort, sans un bruit l'Ange se posa sur mon épaule. Il était si petit et si léger que je ne vis rien, que je ne sentis rien. L'aurais-je vu et l'aurais-je senti… peu importe ? Le poids écrasant de mon malheur pesait si lourdement sur mes épaules que je n'aurais pas été capable de me redresser pour l'accueillir…

L'Ange se mit à parler à mon oreille… Au début ce fut comme un bourdonnement sans signification… Mais l'Ange persévéra, et le bourdonnement se transforma en un murmure que j'étais capable de comprendre…

"Pourquoi pleures-tu, privilégié fils de Dieu ?" me demanda le murmure de l'Ange.

Je m'assis sur la plaine vague et cabossée de ma vie. Le cœur déchiré, la douleur dans l'âme, je répondis à l'Ange : "Je pleure parce que la souffrance s'est abattue sur moi et m'étouffe de toute sa cruauté".

"Pourquoi pleures-tu, bien-aimé fils de Dieu ? " me répondit l'Ange.

Je me levai, et je contemplai autour de moi la solitude obscure de ma vaine existence. C'est avec des larmes blessées que je répondis à l'Ange : "Je pleure parce que je suis seul au monde, et la proximité de mes proches est si lointaine dans mon malheur".

"Pourquoi pleures-tu, invincible fils de Dieu ?" me chuchota la voix de l'Ange.

Je m'agenouillai, et mes genoux écorchés se heurtèrent à l'asphalte terne et indifférent de mes faiblesses… "Je pleure parce que je suis brisé"…

"Vois" me dit l'Ange.

Devant les seuls yeux de mon esprit, les voies de mon malheur se dessinèrent d'elles-mêmes. Je les suivis au-dedans de moi, espérant me retrouver devant l'hydre écumant qui devait constituer le cœur même de mon malheur. Monstre sorti des profondeurs du mal… Là, dans un ressac de mon esprit, je vis la vaste mer de mes souffrances…

"Vois" me dit encore l'Ange.

La vaste mer de mes souffrances. Ainsi donc était-ce là tout mon malheur, cette vaste mer sans borne, sans bord. J'eus peur de me noyer pour toujours dans cet océan de tristesse et de peur… dans cet océan de colère et de haine…

Au fond de l'océan, je vis trois perles grises…

"Que font là ces trois perles ?" demandai-je à l'Ange.

"Elles attendent que tu te souviennes d'elles" me répondit l'Ange.

L'Ange me montra la première perle puis il me murmura : "Souviens-toi. Tu es âme immortelle, parfaite et éternellement saine. Derrière les faiblesses et les blessures de ta chair, tu demeures à jamais sain et sauf. Derrière le masque grimaçant des pensées et des émotions, tu es roi d'éternité. Quoi qu'il pourrait arriver à ton ‘‘moi'' transitoire, sache que tu n'as rien à craindre au regard de ton essence. Souviens-toi !".

L'Ange me montra la seconde perle puis il me dit : "Souviens-toi. Chaque homme est comme toi, âme immortelle, parfaite et éternellement saine. N'oublie pas que les agissements du ‘‘moi'' transitoire ne sont que des éclats provisoires de l'oubli. Avant même que n'agisse ton prochain, tu auras déjà pardonné, car le ‘‘moi'' transitoire est destiné à mourir, et un jour tu embrasseras l'autre, en son âme authentique. Souviens-toi !".

L'Ange me montra la troisième perle puis il me confia : "Souviens-toi. A chaque instant de ta vie, je me tiens auprès de toi, t'offrant sans relâche l'énergie de l'amour inconditionnel. Toujours attentif aux besoins de ton cœur, jamais ma lumière ne t'abandonne. Toujours attentif aux demandes de ton cœur, je t'accorde mon aide permanente et je réponds à chacune de tes prières, dès lors qu'elles sont empreintes d'une sincère volonté d'aimer sans condition et d'un sincère désir de grandir sans retour. Souviens-toi que jamais je ne t'abandonne !".

Les trois perles se transformèrent en trois soleils éclatants.

Leur puissante lumière dissipa l'océan de souffrance. L'océan n'avait jamais réellement existé, ce n'était qu'une illusion née de mon oubli. Une illusion qui m'avait paru si réelle pendant le règne de l'oubli. Je retrouvais en moi une confiance oubliée, une confiance qui se fondait sur l'âme que j'étais. Je retrouvais dans mon prochain une confiance qui savait voir au-delà de leur ‘‘moi'' transitoire. Je retrouvais dans la vie une confiance sereine, car je savais que l'Ange était toujours là.

"Souviens-toi. Donne-moi ta peine pour que je la dissolve, et appelle-moi depuis ton cœur pour que ma main te soutienne. Souviens-toi !". L'Ange se tint en face de moi, puis il me prit dans ses bras. Il me serra tellement fort dans ses bras qu'il se fondit dans mon cœur. Au milieu des trois soleils, je vis un grand soleil aux proportions infinies. Qu'était-ce donc ce soleil majestueux et illimité ? Me tournant vers mon cœur, je posai la question à l'Ange.

Il me répondit dans un souffle : "Souviens-toi. Dieu lui-même habite dans ton cœur. Tu ne l'as jamais vu, non pas parce qu'il est trop loin, mais parce que c'est lui-même qui regarde à travers tes yeux !".

Retour au sommaire